Alors que le Canada redéfinit ses relations commerciales mondiales et ses priorités économiques, la révolution quantique que nous avons contribué à mettre en œuvre a atteint un moment décisif.
Alors que les incertitudes politiques et économiques dominent les manchettes d’aujourd’hui, une révolution technologique qui transformera l’économie mondiale n’attend pas. En ce moment critique, le Canada détient un avantage important cultivé depuis une génération qui peut devenir un nouveau moteur de prospérité : nous sommes une puissance quantique.
Pourtant, alors que les États-Unis et d’autres chefs de file de l’innovation progressent rapidement pour exploiter les doubles promesses qu’offre la quantique – pouvoir économique et sécurité nationale –, le Canada risque de gaspiller notre avantage durement gagné.
Le Conseil national de recherches du Canada projette que les technologies quantiques pourraient créer plus de 209 000 emplois canadiens et ajouter plus de 3 % à notre PIB d’ici 2045. Notre communauté de recherche et nos entreprises sont des pionniers en informatique, en capteurs et en communications quantiques, donnant au Canada à la fois le deuxième plus grand nombre d’entreprises quantiques au monde et le troisième rang mondial en investissements de capitaux de risque (plus de 1,4 milliard). L’industrie quantique est née au Canada, et nos jeunes pousses ont continué à donner le rythme avec une innovation sans relâche.
À travers le pays, des capacités quantiques régionales distinctives ont émergé, avec le Québec à l’avant-garde. Le triangle Montréal-Sherbrooke-Québec s’affirme comme un pôle mondial où recherche, jeunes pousses et industries collaborent. En 2022, le gouvernement du Québec a désigné Distriq, zone d’innovation quantique à Sherbrooke, consolidant la position du Québec dans ce secteur émergent.
L’écosystème quantique du Québec comprend à la fois des entreprises de technologies quantiques, un savoir-faire en accompagnement d’entreprises technologiques et une expertise dans des technologies habilitantes critiques telles que la photonique et la microélectronique.
Cela confère au Québec, dans un paysage quantique national riche en potentiel, un avantage stratégique dans la chaîne d’approvisionnement quantique que peu d’autres juridictions au monde peuvent égaler.
Mais, alors que les économies avancées investissent agressivement dans la quantique, le Canada risque de tomber dans un piège familier : être pionnier des percées technologiques pour ensuite regarder d’autres en récolter les bénéfices. Malgré le fait d’être la première nation à reconnaître le potentiel quantique et à faire des investissements stratégiques en recherche – des années avant nos concurrents –, nous ralentissons maintenant précisément quand nous devrions redoubler d’efforts.
Les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie et l’Union européenne investissent des milliards, attirent les meilleurs talents quantiques et renforcent leurs industries nationales avec un soutien gouvernemental inébranlable. Leurs gouvernements financent la R-D industrielle, se procurent des technologies quantiques et assurent le contrôle souverain de ces capacités critiques. Pendant ce temps, le Canada n’a engagé que 169 millions de dollars de soutien à la commercialisation pour nos entreprises quantiques dans sa Stratégie quantique nationale – une fraction de ce que les leaders en innovation investissent dans des entreprises individuelles.
Cet écart de financement menace notre avantage quantique. Les entreprises quantiques canadiennes font preuve d’une ingéniosité remarquable, rivalisant avec des acteurs mondiaux dotés de moyens financiers bien plus importants. Cependant, la créativité et l’innovation canadiennes ne peuvent étirer indéfiniment les ressources.
Nos esprits les plus brillants et nos entreprises les plus prometteuses reçoivent quotidiennement des offres de relocalisation. Ils veulent rester, mais sans un soutien adéquat aux niveaux provincial et national, nous les perdrons au profit de juridictions qui reconnaissent la valeur stratégique des technologies quantiques.
Si nous voulons réaliser le potentiel quantique du Québec et du Canada et assurer notre place dans l’économie quantique mondiale, nous devons faire plus qu’inventer l’avenir de l’industrie quantique – nous devons en prendre le contrôle. Nous devons offrir à nos entreprises de calibre mondial les ressources nécessaires pour compétitionner à l’échelle mondiale tout en renforçant notre avantage en matière de talents, incluant l’occasion d’accueillir les meilleurs talents mondiaux, faisant du Canada le choix évident pour les professionnels de la quantique qui souhaitent bâtir leur carrière et faire croître leurs entreprises.
Une autre étape critique est la modernisation de la cybersécurité du Canada, car nos systèmes financiers, nos infrastructures critiques et notre sécurité nationale reposent sur un chiffrement que les ordinateurs quantiques finiront par briser. Des adversaires récoltent déjà aujourd’hui des données chiffrées pour les déchiffrer plus tard – nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre.
La cryptographie post-quantique (PQC), disponible maintenant, repose sur de nouveaux algorithmes résistants aux attaques des futurs ordinateurs quantiques. En parallèle, la cryptographie quantique, comme la distribution quantique de clé (QKD), exploite les propriétés fondamentales de la mécanique quantique pour garantir une communication inviolable, en détectant toute tentative d’interception.
Les États-Unis et l’Australie ont fixé des délais fermes pour la transition vers ces systèmes sécurisés contre les menaces quantiques. Le Canada doit faire de même afin de protéger sa souveraineté numérique et de garantir la résilience de ses infrastructures face à cette révolution technologique.
Les économies de pointe reconnaissent la quantique comme la pierre angulaire de la prospérité et de la puissance futures. Le Canada doit faire de même, en la traitant comme une industrie stratégique vitale pour la compétitivité économique et la sécurité nationale.
Alors que le Canada redéfinit ses relations commerciales mondiales et ses priorités économiques, l’ère quantique que nous avons contribué à instaurer a atteint un moment décisif. Avec les capacités de classe mondiale du Québec, complémentaires à celles d’autres régions du pays, le Canada a une occasion unique dans ce domaine transformateur. La question est de savoir si nous allons en prendre le leadership ou rester piégés dans le schéma d’être pionnier sans prospérer. Le monde n’attendra pas pour nous.
SOURCE : La Presse
