Ivan Couronne – Agence France-Presse et Leila Macor – Agence France-Presse à Cap Canaveral
LE DEVOIR : 17 juillet 2019
C’était il y a 50 ans jour pour jour : le 16 juillet 1969, les trois astronautes américains de la mission Apollo 11, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins, décollaient pour la Lune, un anniversaire abondamment célébré alors que la Nasa peine à accélérer son retour sur la Lune.
« Nous, l’équipage, nous sentions le poids du monde entier sur nos épaules, nous savions que nous serions regardés par tous, amis comme ennemis », a déclaré mardi Michael Collins, 88 ans, sur le mythique pas de lancement 39A du centre spatial Kennedy, d’où les trois astronautes étaient partis.
Pour l’occasion, la combinaison spatiale d’Armstrong, restaurée, est exposée pour la première fois depuis plus de dix ans au musée de l’Air et de l’Espace de Washington. Et sur le Washington Monument, non loin, une image grandeur nature de l’immense fusée Saturn V est projetée.
L’équipage avait mis quatre jours pour atteindre la Lune. Le module lunaire Eagle, avec Armstrong et Aldrin à bord, a aluni le 20 juillet 1969 à 20 h 17 GMT. Armstrong en est sorti quelques heures plus tard, posant le pied sur la Lune à 2 h 56 GMT le 21 juillet 1969 — tard aux États-Unis, et en pleine nuit pour l’Europe.
Michael Collins est resté seul en orbite lunaire dans la capsule principale Columbia, seul moyen de transport pour revenir sur Terre.
« On m’a toujours demandé si je n’étais pas la personne la plus seule du système solaire quand j’étais tout seul en orbite », a-t-il raconté mardi. « Et la réponse est non, je me sentais bien ! »
Nous, l’équipage, nous sentions le poids du monde entier sur nos épaules, nous savions que nous serions regardés par tous, amis comme ennemis— Michael Collins
Buzz Aldrin absent
Buzz Aldrin, deuxième homme à avoir marché sur la Lune, devait être la tête d’affiche de plusieurs événements mardi en Floride et dans l’Alabama.
Mais il n’est pas venu, sans explication. Il a annulé « à la dernière minute », a indiqué à l’AFP une source du Space & Rocket Center, à Huntsville, où il était attendu à un dîner de gala et une conférence de presse.
L’homme de 89 ans est actif sur Twitter et reste excentrique avec ses chaussettes aux couleurs du drapeau américain. Il est apparu samedi à un gala en l’honneur d’Apollo 11 en Californie, où les places coûtaient plus de 1.000 dollars.
Le commandant Armstrong est décédé en 2012 à 82 ans. Seuls quatre des douze hommes à avoir foulé la surface lunaire sont encore en vie.
Turbulences à la NASA
Loin de Floride, d’où les astronautes avaient décollé, et de Houston, où se trouvait la célèbre salle de contrôle, des festivités se déroulaient également mardi dans un centre moins connu de la Nasa, mais tout aussi important dans l’histoire d’Apollo : Huntsville, dans l’Alabama.
C’est ici qu’est née la fusée Saturn V, la plus puissante jamais construite, développée par l’équipe de l’ingénieur allemand Wernher von Braun, ancien nazi qui s’est rendu avec ses meilleurs ingénieurs et scientifiques aux Américains à la fin de la guerre.
Sous une gigantesque réplique de Saturn V, 900 personnes ont dîné mardi aux côtés d’anciens astronautes, de notables locaux… et d’enfants de von Braun.
Certains vétérans de la Nasa se montraient critiques face au projet actuel de la Nasa de retour sur la Lune en 2024.
L’ancien astronaute Ed Gibson a raillé l’idée d’une mini-station lunaire. « À mon avis, il faut juste y aller et alunir », a-t-il expliqué à Huntsville.
Beaucoup étaient nostalgiques de l’époque Kennedy, quand le pays et le Congrès soutenaient sans compter le projet Apollo.
« La grande différence entre hier et aujourd’hui, c’est qu’on n’est pas sûr d’avoir les moyens de bien le faire », a dit Al Worden, de la mission Apollo 15.
Quant à Michael Collins, en Floride, il juge inutile de retourner sur la Lune : « Moi je dis : allons sur Mars ».
C’est d’ailleurs ce qu’a dit, dans un tweet, le président Donald Trump récemment.
Ces débats et critiques illustrent les turbulences à l’intérieur de la Nasa.
Le patron de l’agence spatiale a dû démettre de ses fonctions le chef des vols habités la semaine dernière, apparemment en raison de désaccords sur la date de 2024 voulue par Donald Trump pour le retour sur la Lune, mais jugé improbable par nombre d’experts.
Cinq années semblent un délai bien trop court, car ni la fusée, ni la capsule, ni l’alunisseur ne sont prêts, voire définis.